17 Août 2022
Depuis des millénaires, l’homme utilise les plantes aromatiques pour leurs propriétés thérapeutiques.
Il y a 40 000 ans, les Aborigènes d’Australie employaient l’arbre à thé (Melaleuca alternifolia) pour se soigner.
Les Egyptiens (4 500 ans av. J.-C.) pratiquaient la distillation afin d’en extraire des parfums. Ceux-ci servaient non seulement de moyen de séduction et de soins corporels mais ils faisaient également partie intégrante de la religion (par exemple, leur emploi pour l’embaumement des corps). Pour distiller, les Egyptiens macéraient les plantes dans de l’eau bouillante puis y plongeaient des tissus qu’ils essoraient par la suite.
Les Perses (4 000 ans av. J.-C.) maîtrisent eux aussi l’art de la distillation. Ils se servent de la fumigation (combustion des végétaux produisant de la vapeur d’eau chargées de principes actifs de la plante) afin d’assainir l’air ambiant et d’inhaler les huiles essentielles.
En Chine (2 800 ans av. J.-C.), la médecine traditionnelle utilise le premier ouvrage sur les recettes à base d’huiles essentielles. Il est attribué à l’empereur mythique Shennong mais serait une compilation écrite des savoirs oraux de l’époque.
Vers 300 ans av. J.-C., Alexandre le Grand rapporte en Grèce, suite à sa conquête de l’Egypte, les bienfaits des huiles essentielles dans le domaine médical.
Les Romains (150 ans av. J.-C.) prescrivent également les huiles essentielles et les utilisent en parfumerie.
A noter que toutes ces civilisations donnent aux huiles essentielles un rôle important dans le domaine religieux.
Au premier siècle, Dioscoride (médecin originaire d’une province romaine de l’actuelle Turquie) rédige, en grec, un livre plus connu sous son nom latin : De Materia Medica. Celui-ci fut considéré comme la référence en pharmacologie européenne et musulmane jusqu’à la Renaissance.
Au Moyen-Age, les huiles essentielles sont réservées aux monastères et aux maisons nobles car elles font partie intégrante de la recherche du remède universel visant l’immortalité. De plus, comme le médecin ne peut soigner le corps sans soigner l’âme, une grande partie du savoir se retrouve dans les monastères. Quant aux profanes, ils ne peuvent utiliser les parfums. C’est ainsi que, lors de l’Inquisition, les femmes manipulant les plantes médicinales furent pourchassées et considérées comme maléfiques. En effet, puisqu’elles connaissaient les secrets pour guérir, elles devaient connaître les secrets pour nuire.
C’est Avicenne (980 – 1037), médecin et philosophe d’origine persane qui invente le principe de distillation des plantes aromatiques pour obtenir des huiles essentielles pures. L’alambic est né mais il faudra attendre le XIIème siècle pour que les Croisés ramènent avec eux cet alambic à vapeur en Europe.
Au XVIème siècle, le serpentin va remplacer les tissus et les éponges mouillées que l’on disposait sur le chapiteau de l’alambic afin de refroidir les vapeurs. Les huiles essentielles sont alors utilisées et prescrites en tant que telles.
En 1928 René-Maurice Gattefossé invente le terme d’aromathérapie et réalise des recherches démontrant leur efficacité dans le domaine médical. Malgré cela, les huiles essentielles tombent dans l’oubli suite à l’avènement des molécules de synthèse.
En 1964, le Docteur Jean Valnet relance la phytothérapie et l’usage des huiles essentielles. Confronté à un manque de médicaments alors qu’il est médecin en Indochine, il utilise plantes et huiles essentielles pour soigner les blessés. Il sera le premier à proposer une posologie des huiles essentielles.
Quant à l’usage des huiles essentielles en agriculture, il est récent et date du début des années 2 000.
Pourquoi utiliser des huiles essentielles pour soigner nos plantes ?
Une plante malade peut être attaquée par un virus, une bactérie, un champignon ou des parasites. Or les huiles essentielles ont des vertus antivirales, antibactériennes, fongicides et antiparasitaires. Elles peuvent être également répulsives.
Leur production est moins polluante que les produits de synthèse car elle ne nécessite qu’un alambic et des plantes et pas de produits chimiques à base de pétrole.
Enfin, elles sont biodégradables.
Alors, qui sont-elles ?
Contrairement à ce que leur nom pourrait suggérer, les huiles essentielles ne sont pas des corps gras huileux. Elles représentent l’ensemble des composés organiques et volatils d’une plante aromatique. Ces composants sont de petites tailles, liposolubles, solubles dans l’alcool, l’éther, les huiles végétales mais, par contre, insolubles dans l’eau.
La composition chimique d’une huile essentielle d’une même espèce peut varier suivant les parties de la plante (feuilles, fleurs, racines, fruits, etc.), la période de récolte, le biotope de la plante (altitude, ensoleillement, nature du sol, etc.), le mode d’extraction. C’est ce que l’on appelle les chémotypes. Ils définissent les molécules majoritaires et biochimiquement actives de l’huile essentielle. Des chémotypes différents ont des actions différentes ainsi qu’une toxicité différente.
Autrefois on ne parlait que d’essence d’une plante. Aujourd’hui ce mot est réservé au liquide volatil et odorant secrété par les plantes aromatiques. Le terme d’huile essentielle est employé pour désigner le produit de la distillation ou de l’expression mécanique. Cette différence de noms est justifiée car les molécules aromatiques d’une plante sont modifiées lors de la production d’huile essentielle (par hydrolyse, oxydation, etc.).
Quant aux huiles végétales, elles sont extraites par première pression à froid d’un végétal oléagineux (amandes, argan, calendula, noisettes, tournesol, etc.). Comme elles sont composées d’esters d’acides gras, elles ont des propriétés insecticides. Il est conseillé de les utiliser pour solubiliser les huiles essentielles (HE) dans les préparations. Les huiles végétales que l’on choisira préférentiellement sont : l’huile d’olive (solubilisation des HE contre insectes, champignons et bactéries), l’huile de sésame (solubilisation des HE contre insectes), l’huile de neem (insecticide), l’huile de colza (ovicide).
Les méthodes de fabrication
Il existe plusieurs façons d’extraire les huiles essentielles à partir de plantes aromatiques : la distillation à la vapeur, la distillation à sec, l’expression mécanique à froid, l’enfleurage et l’extraction au solvant. Seules la distillation à la vapeur et l’expression mécanique à froid sont acceptées en aromathérapie. L’enfleurage et l’extraction au solvant sont employés en parfumerie. Il faut savoir que le rendement est très faible, ce qui explique le coût parfois élevé des huiles essentielles.
Un alambic est utilisé pour la distillation à la vapeur. Les parties de la plante dont on souhaite extraire de l’huile essentielle sont placées dans la cuve à fond percé. De la vapeur d’eau passe à travers et fait exploser les cellules contenant les huiles essentielles. Cette vapeur chargée d’huile essentielle remonte dans l’alambic et circule à travers un serpentin réfrigérant où elle se condense. Un distillat est recueilli dans un essencier. Par décantation, l’huile essentielle est séparée de l’eau. Cette eau (ou hydrolat) pourra également servir en parfumerie ou dans l’alimentation.
L’expression mécanique à froid est réservée aux zestes d’agrumes. Ceux-ci sont comprimés, abrasés afin de faire éclater les « poches à essences » qu’ils contiennent. Le produit obtenu est un mélange d’huile essentielle, de cires et de débris végétaux qu’il faudra centrifuger, filtrer et décanter avant d’obtenir une huile essentielle pure.
Comment utiliser les huiles essentielles pour soigner nos plantes ?
En agriculture, les huiles essentielles ne sont jamais utilisées en première intention. Elles sont réservées aux cas difficiles après un premier traitement. Par exemple, une plante infestée de pucerons sera traitée dans un premier temps par des pulvérisations de savon noir. S’il reste encore des indésirables, une solution d’huile essentielle de menthe pourra être utilisée.
De part leurs actions complémentaires, plusieurs huiles essentielles peuvent être employées ensemble. C’est ce que l’on appelle une synergie. Celle-ci permet d’avoir un spectre d’action plus important que si une seule huile essentielle était utilisée.
Il est impératif de préparer une solution homogène qui pourra être pulvérisée sur les plantes. Une huile végétale peut être ajoutée aux huiles essentielles. Comme les huiles essentielles ne sont pas solubles dans l’eau, il est indispensable de rajouter un tensio-actif : soit du savon noir (insecticide) ; soit du liquide vaisselle (bio si possible) puis de bien mélanger. A ce moment, un verre d’eau (de pluie de préférence) est rajouté et le tout est émulsionné au fouet jusqu’à l’obtention d’une préparation homogène. Enfin la solution est complétée avec le reste du volume d’eau nécessaire. La préparation terminée est mise dans un pulvérisateur et sera bien agitée avant l’emploi. Attention, il est important de respecter cet ordre de préparation.
L’eau peut être remplacée par un lait d’argile très facile à réaliser (1 c. à c. ou 20 g d’argile blanche ou verte surfine par litre d’eau de pluie jusqu’à dissolution complète). L’avantage du lait d’argile est qu’il agit comme mouillant. Il se charge des principes actifs des huiles essentielles et adhère bien aux feuilles ce qui permet un contact plus long des huiles essentielles avec les feuilles.
Le dosage à respecter (de façon générale) sera de 20 gouttes d’huiles essentielles, additionnées de 3 ou 4 gouttes de liquide vaisselle ou d’1 c. à s. de savon noir, par litre d’eau ou de lait d’argile. Quelques gouttes d’huile végétale peuvent être éventuellement ajoutées aux huiles essentielles.
Les plantes seront traitées de préférence le soir ou en matinée afin de minimiser les risques de brûlures et de permettre une meilleure absorption des huiles essentielles car ce sont les moments de la journée où l’hygrométrie est la plus élevée (ce qui limite les pertes par volatilisation et ce qui facilite la pénétration des huiles essentielles au travers de la cuticule foliaire). Elles seront pulvérisées sur et sous les feuilles.
Quelles huiles essentielles utiliser ?
Cochenilles |
HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) HE de Citrus aurantium (Petitgrain bigarade) HE de Citrus limon(Citronnier) HE de Pimenta dioica (Piment de Jamaïque) |
Aleurodes |
HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) |
Pucerons |
HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) HE d’Helichrysum italicum (Immortelle d’Italie) HE de Mentha arvensis (Menthe des champs) HE d’Allium sativum (Ail) HE de Citrus aurantium (Petitgrain bigarade) |
Pucerons noirs |
HE de Mentha x piperata (Menthe poivrée) |
Acariens |
HE d’Allium sativum (Ail) |
Thrips |
HE de Citrus (aurantium, limon, sinensis, paradisii, reticulata) HE d’Eucalyptus (radiata, globulus) HE de Mentha arvensis (Menthe des champs) HE d’Allium sativum (Ail) HE d’Eugenia caryophyllus (Giroflier) |
Mouche domestique |
HE de Juniperus communisvar. Montana (Génévrier commun des montagnes) |
Fourmis |
HE de Citrus sinensis (Oranger) HE d’Eugenia caryophyllus (Giroflier) |
Champignons |
HE d’Allium sativum (Ail) contre l’oïdium HE d’Origanum compactum (Origan à inflorescences compactes) contre moniliose, mildiou, tavelure, fumagine HE de Thymus serpyllum (Thym serpolet) contre la fumagine HE de Cinnamomum camphora var. glavescens hayata (Camphrier) HE de Monarda fistulosa geraniolifera (Monarde fistuleuse à géraniol) HE de Corydothymus capitatus (Origan d’Espagne) HE de Citrus sinensis (Oranger) contre le mildiou HE de Citrus limon (Citronnier) contre le mildiou HE d’Eugenia caryophyllus (Giroflier) contre le mildiou HE de Melaleuca alternifolia (Arbre à thé) contre le mildiou |
Bactéries |
HE de Cymbopogon martinii var. motia (Palmarosa) HE de Cymbopogon nardus (Citronnelle de Java) contre l’erwinia HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) contre l’erwinia HE de Satureja hortensis (Sarriette des jardins) HE de Satureja montana (Sarriette des montagnes) contre fusarium, phytophtora HE de Thymus vulgaris linaloliferum (Thym vulgaire à linalol) contre l’erwinia HE d’Origanum compactum (Origan à inflorescences compactes) HE d’Eugenia caryophyllus (Giroflier) HE d’Ocotea pretiosa (Sassafras du Brésil) HE de Corydothymus capitatus (Origan d’Espagne) HE d’Allium sativum (Ail) contre l’erwinia |
Virus |
Aucune référence |
Précautions d’emploi
Les huiles essentielles sont des concentrés de principes actifs et nécessitent quelques principes de précaution.
Il faudra toujours les laisser hors de portée des enfants.
Certaines huiles sont dermocaustiques (comme la cannelle ou l’ail). Le port de gants et de longues manches est recommandé.
Les huiles essentielles sont volatiles, certaines nécessitent le port d’un masque comme l’Immortelle d’Italie. Réalisez toujours vos mélanges dans un endroit aéré. Pensez aussi à bien aérer la pièce après la diffusion.
Il ne faut jamais pulvériser des huiles essentielles en présence de femmes enceintes, d’enfants de moins de 30 mois, de personnes allergiques ou asthmatiques ainsi que de personnes épileptiques.
Evitez tout contact avec les yeux, le port de lunettes est conseillé.
Après avoir manipulé des huiles essentielles il faut se laver les mains avec du savon.
Faites attention si vous avez un chat. En inhalant des huiles essentielles il peut saturer son organe voméro-nasal et présenter des troubles du comportement (apathie, agressivité) et puis surtout, en se léchant il pourrait ingérer des huiles essentielles et développer une hépatite toxique.
Que faire en cas d’accident ?
En cas de contact avec les yeux ou une muqueuse, il faut utiliser une huile végétale pour rincer et solubiliser les huiles essentielles.
En cas de malaise par inhalation, il faut sortir la victime pour qu’elle puisse respirer de l’air frais.
En cas d’ingestion, il ne faut surtout pas faire vomir la personne mais contacter le médecin ou le centre antipoison. Il faut savoir qu’il n’existe pas d’antidote spécifique aux huiles essentielles, le traitement d’une intoxication est symptomatique.
Acheter ses huiles essentielles
On peut trouver des huiles essentielles en pharmacies ou parapharmacies, dans des magasins spécialisés, des magasins bio ou nature et bien-être ainsi que sur internet.
Il est important d’avoir le bon réflexe à l’achat de prendre une HE 100% pure et naturelle, 100% bio (label AB), 100% extraite sans solvants de synthèse, 100% totale c’est-à-dire contenant la totalité des principes aromatiques. On reconnait ces huiles essentielles par leur dénomination HEBBD (HE Botaniquement et Biologiquement Déterminée) ou HECT (HE Chémotypée).
Quelques recettes
Contre les cochenilles :
10 gouttes d’HE de géranium rosat
5 gouttes d’HE de menthe poivrée
5 gouttes d’HE de petitgrain bigarade
20 gouttes d’huile végétale (colza, tournesol, olive…)
1 c. à s. de savon noir
1 L d’eau
ou :
20 gouttes d’HE de géranium rosat
1 L de lait d’argile
1 c. à s. de savon noir
Pensez à bien agiter avant l’utilisation et pulvérisez sur et sous les feuilles 1 à 2 fois par semaine.
Contre les bactéries ;
HE d’Eugenia caryophyllus
HE d’Origanum compactum en réalisant le mélange suivant : 2% HE + 50% HV (type colza) + 1 à 3% Tensio-actif + eau de pluie
Pour repousser les insectes :
3 gouttes d’HE de clou de girofle
1 goutte de savon vaisselle bio
180 ml d’eau
Pulvérisez une fois par jour pendant une semaine.
Sources :