21 Avril 2023
Je vous avais déjà présenté les huiles essentielles pour soigner les orchidées (ici). Voici un complément d'informations concernant leur usage dans nos jardins.
Bien sûr toutes les précautions d'emploi que je vous avais citées doivent être respectées.
Usage des HE pour l’agriculture
Depuis longtemps les plantes aromatiques sont utilisées en Afrique pour la protection des céréales dans les silos.
En 1250 ap. J.C., Ibn al’Awwâm écrit qu'il est possible de changer l’arôme des arbres fruitiers par des intrants d’HE au niveau des racines.
Chez nous, des travaux de recherches ont démarré dans les années 90 mais les HE ne percent pas suite à la mise sur le marché de molécules de synthèse. Il faudra attendre le début des années 2000 pour voir leur emploi démarrer timidement.
Freins à leur usage en agriculture
Les HE autorisées en Europe :
Pourquoi utiliser des huiles essentielles pour soigner nos plantes ?
Une plante malade peut être attaquée par un virus, une bactérie, un champignon ou des parasites. Or les huiles essentielles ont des vertus antivirales, antibactériennes, fongicides et antiparasitaires. Elles peuvent être également répulsives. Certaines ont des propriétés antigerminatives.
Leur production est moins polluante que les produits de synthèse car elle ne nécessite qu’un alambic et des plantes et pas de produits chimiques à base de pétrole.
Elles sont biodégradables.
Les HE sont des mélanges complexes, il y a jusqu’à 100 à 200 substances différentes dans une HE, ce qui rend les phénomènes d’adaptation et de résistance plus difficiles puisque l'organisme (germe, ravageur) doit développer des résistances pour autant de molécules.
L' utilisation des HE permet de réduire l’usage des pesticides et des produits à base de cuivre (non biodégradable). Les agriculteurs, viticulteurs qui les emploient les associent généralement à des traitements tels que des infusions, décoctions et purins de plantes puisqu'ils cultivent en bio.
Exemples :
Modes d'action des HE
Action chimique
On distingue :
→ Une action directe : la plupart des HE attaque la membrane cellulaire des micro-organismes ou des nuisibles. Elles peuvent inhiber les molécules de détoxification au sein de la cellule. Elles peuvent également être neurotoxiques. Finalement, elles ont une action larvicide, adulticide, répulsive ou inhibitrice de croissance sur les ravageurs
→ Une action systémique : les HE pénètrent la cuticule foliaire et circulent dans la sève atteignant toutes les parties de la plante. Ingérées par le ravageurs, elles les intoxiquent.
→ Une action indirecte : lors de leur évaporation elles sont inhalées par les insectes (mâles plus sensibles).
Action diathermique (HE en diffusion libèrent de l’énergie sous forme d’ondes lumineuses qui ont des paramètres électriques et magnétiques) / action odoriférante
Ces deux actions modifient le comportement des insectes : appel aux auxiliaires (utilisé par exemple avec l'HE de lavandin pour attirer les pollinisateurs dans les cultures d'abricotiers) ou action répulsive. De plus, l'action diathermique stimule la croissance et renforce l'immunité de la plante.
Quand et comment utiliser les huiles essentielles pour soigner nos plantes ?
En agriculture, les huiles essentielles ne sont jamais utilisées en première intention. Elles sont réservées aux cas difficiles après un premier traitement. Par exemple, une plante infestée de pucerons sera traitée dans un premier temps par des pulvérisations de savon noir. S’il reste encore des indésirables, une solution d’huile essentielle de menthe pourra être utilisée.
De par leurs actions complémentaires, plusieurs huiles essentielles peuvent être employées ensemble. C’est ce que l’on appelle une synergie. Celle-ci permet d’avoir un spectre d’action plus important que si une seule huile essentielle était utilisée.
Plusieurs modes d'application sont possibles : pulvérisation, perfusion, injection, badigeon ou cataplasme, arrosage...
Pulvérisation
Il est impératif de préparer une solution homogène qui pourra être pulvérisée sur les plantes. Une huile végétale peut être ajoutée aux huiles essentielles. Comme les huiles essentielles ne sont pas solubles dans l’eau, il est indispensable de rajouter un tensio-actif : soit du savon noir (insecticide) ; soit du liquide vaisselle (bio si possible) puis de bien mélanger. A ce moment, un verre d’eau (de pluie de préférence) est rajouté et le tout est émulsionné au fouet jusqu’à l’obtention d’une préparation homogène. Enfin la solution est complétée avec le reste du volume d’eau nécessaire. La préparation terminée est mise dans un pulvérisateur et sera bien agitée avant l’emploi. Attention, il est important de respecter cet ordre de préparation.
L’eau peut être remplacée par un lait d’argile très facile à réaliser (1 c. à s. ou 20 g d’argile blanche ou verte surfine par litre d’eau de pluie jusqu’à dissolution complète). L’avantage du lait d’argile est qu’il agit comme mouillant. Il se charge des principes actifs des huiles essentielles et adhère bien aux feuilles ce qui permet un contact plus long des huiles essentielles avec les feuilles.
Les plantes seront traitées de préférence le soir ou en matinée afin de minimiser les risques de brûlures et de permettre une meilleure absorption des huiles essentielles car ce sont les moments de la journée où l’hygrométrie est la plus élevée (ce qui limite les pertes par volatilisation et ce qui facilite la pénétration des huiles essentielles au travers de la cuticule foliaire). Elles seront pulvérisées sur et sous les feuilles.
Perfusion
Elle permet l'assimilation à des doses plus élevées sans passer par les feuilles et évite ainsi le risque de brûlures car les HE circulent dans la sève. Leur action contre les xylophages est plus rapide. Il n'y a pas de perte de produit contrairement aux pulvérisations.
L'utilisation d’un perfuseur est nécessaire. Il se compose d'un petit boîtier muni d'une aiguille d'injection. Un trou est réalisé au préalable dans l'écorce avec une fine mèche à bois. Inutile de percer bien loin. Il faut arriver au cambium du tronc et donc enfoncer la mèche jusqu'à sentir une résistance plus forte (4 à 8 mm généralement).
La quantité de produit à perfuser est fonction de la circonférence de l’arbre mais le mélange aura toujours 2% d'HE.
Injection ou endothérapie
Pour détruire les larves installées dans les troncs et les branches ou comme fongicide (injection dans la fructification d’un polypore, par exemple), on utilise un injecteur. Une seringue de tapissier peut très bien convenir. Ici aussi l'HE migre jusqu’aux feuilles.
Le système d'injection semble même stimuler les défense naturelles de la plante (Gembloux 2021).
Cataplasme
Utilisé pour lutter contres les insectes du bois sur un jeune arbre ou un arbre avec une écorce plus ou moins lisse (moniliose, gélivure, insectes hivernants…).
Dosage : 5 kg d’argile blanche surfine + 10 ml d’HE + eau de pluie jusqu'à obtention d’une pâte.
La pâte est appliquée sur le tronc. De la toile de jute est enroulée par dessus pour ralentir le desséchement.
Le cataplasme peut être remplacé par un badigeon au lait d'argile.
Poudrage
Un mélange d'argile et d'HE peut être utilisé sur le sol pour son action antigerminative.
Cette poudre peut également être mouillable.
Épandages
Dans ce cas des granulés sont remplis d'HE.
Arrosage au sol
Poudre mouillable ou complexe HE à diluer dans l’eau
HE pulvérisée dans 20 g d’argile blanche (kaolinite) ou verte / litre d’eau
Quelles huiles essentielles utiliser ?
Cochenilles |
HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) |
Aleurodes |
HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) |
Pucerons |
HE de Pelargonium x asperum (Géranium rosat) |
Pucerons noirs |
HE de Mentha x piperata (Menthe poivrée) |
Acariens |
HE d’Allium sativum (Ail) |
Thrips |
HE de Citrus (aurantium, limon, sinensis, paradisii, reticulata) |
Mouche domestique |
HE de Juniperus communis var. Montana (Génévrier commun des montagnes) |
Fourmis |
HE de Citrus sinensis (Oranger) |
Champignons |
HE d’Allium sativum (Ail) contre l’oïdium |
Bactéries |
HE de Cymbopogon martinii var. motia (Palmarosa) |
Virus |
Aucune référence |
Quelques exemples d'utilisation
Insectifuge | Insecticide | Fongicide | Bactéricide |
Ail |
Ail pucerons, fourmis, chenilles défoliatrices, insectes xylophages, acariens, tétranyques |
Ail oïdium, botrytis |
Ail erwinia |
Arbre à thé mildiou |
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Camphrier | |||
Citronnelle de Java mouches, moustiques |
Citronnelle de Java pucerons |
Citronnelle de Java erwinia |
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Citronnier mildiou |
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Clou de girofle |
Clou de girofle mildiou, fumagine, oïdium |
Clou de girofle |
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Genévrier commun des montagnes mouche domestique |
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Géranium rosat pucerons, cochenilles, aleurodes, chenilles |
Géranium rosat erwinia |
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Immortelle d'Italie pucerons |
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Lavande aspic pucerons |
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Menthe des champs pucerons |
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Menthe poivrée pucerons, chenilles |
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Monarde fistuleuse à géraniol | |||
Oranger Mildiou |
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Origan à inflorescences compactes |
Origan à inflorescences compactes |
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Origan d'Espagne | Origan d'Espagne | ||
Palmarosa | |||
Petit grain bigarade cochenilles, pucerons |
Petit grain bigarade | ||
Piment de Jamaïque pucerons, cochenilles, insectes xylophages |
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Sarriette des jardins | |||
Sarriette des montagnes mildiou, fumagine, fusarium, phytophtora |
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Sassafras du Brésil | |||
Sauge officinale pucerons, chenilles |
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Tanaisie rouille (éventuellement + fortifiant au cuivre) |
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Thym serpolet mildiou, oïdium, fumagine |
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Thym vulgaire à linalol erwinia |
Quelques recettes
5 HE alimentaires ne présentant aucun risque d’ingestion des légumes traités : sarriette des montagnes, orange douce, menthe poivrée, genévrier commun, cryptomeria japonica.
1 ml HE + HV +10 ml de tensio-actif + 1 L eau
3 semaines à 1 mois entre 2 pulvérisations
Le pH idéal de l'eau se situe entre 6,5 et 6,7 (1 ml vinaigre de fruit / 1 L d’eau fait baisser le pH de 1 point)
En cas d'utilisation d'un perfuseur : doser HE à 2 %
- Sarriette des montagnes : mildiou, tavelures, oïdium, cloques du pêcher, moniliose
- Orange douce : fongicide, répulsif contre insectes (aleurodes, araignées rouges…)
- Menthe poivrée : pucerons
- Genévrier commun : répulsif contre mouche et papillon (empêche la ponte de piéride du chou)
- Cryptomeria : arrête le développement des chenilles et larves de piéride du chou et ver du poireau
- Synergie contre les maladies cryptogamiques : orange douce + sarriette des montagnes : Tomates, aubergines, poivrons : mildiou / Rosiers, vigne, arbres fruitiers : oïdium / Tache noire du rosier
Synergie insectifuge
50 gouttes HE lavande vraie + 20 gouttes HE menthe poivrée +10 gouttes HE basilic + 50 gouttes HE Citronnelle de Java+ 250 ml alcool pharmaceutique modifié
Vaporiser aux endroits de passage, 1 x par jour pendant 3, 4 jours
10 gouttes d’HE de géranium rosat
5 gouttes d’HE de menthe poivrée
5 gouttes d’HE de petitgrain bigarade
20 gouttes d’huile végétale (colza, tournesol, olive…)
1 c. à s. de savon noir
1 L d’eau
ou :
20 gouttes d’HE de géranium rosat
1 L de lait d’argile
1 c. à s. de savon noir
Pensez à bien agiter avant l’utilisation et pulvérisez sur et sous les feuilles 1 à 2 fois par semaine.
HE d’Eugenia caryophyllus
HE d’Origanum compactum en réalisant le mélange suivant : 2% HE + 50% HV (type colza) + 1 à 3% Tensio-actif + eau de pluie
3 gouttes d’HE de clou de girofle
1 goutte de savon vaisselle bio
180 ml d’eau
Pulvérisez une fois par jour pendant une semaine.
HE d’Allium sativum (attention l'HE est dermocaustique (gants))
L'ail est toxique utilisé en HE et répulsif en macérât huileux (macération :100 g de gousses d’ail hachées, 12 h dans 3 c. à s. d’huile végétale ; filtrer, presser au pilon en ajoutant 1 L d’eau de pluie ; conservation : 1 an à 12-14°C. (cave) à l’abri de la lumière ; utilisé dilué à 1/20 , traiter le soir pour éviter les brûlures).
Coton imbibé de 2 gouttes d’HE de clou de girofle et déposé dans les zones de prédilection des fourmis près des plantes à protéger.
Les HE de clou de girofle ou de basilic sont anti-germinatives.
Après un nettoyage des mauvaises herbes à la main, vaporiser le mélange : 5 gouttes HE de clou de girofle + 5 gouttes d’HE de basilic / 100 ml d’eau.
Sources